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Le pavillon des fous
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15 octobre 2006

Dans Paris

Malgré sa présentation très remarquée à la quinzaine des réalisateurs de Canne, la dernière réalisation de Christophe Honoré, est passé plutôt inaperçue lors de sa sortie en salle. Un oubli auquel on pouvait s’attendre, puisque cette œuvre partage l’affiche avec des films bien plus médiatisés comme « Indigène » ou «Un crime», et c’est pourtant assez regrettable vu la qualité du long-métrage.

Après une séries d’images classiques de la capitale ; des quais de la scène au métro aérien, en passant par la tour Montparnasse ; le film s’ouvre sur une séquence somme toute assez banale : un homme se réveille, dans un lit qu’il partage avec deux autres personnes, il sort de la chambre en silence, traverse un appartement, passe par un bureau ou sont père s’est endormi sur une chaise, lui confisque le mégot qu’il a au bec et sort sur la terrasse, s’appuyer sur la balustrade.

Jusque là, tout va bien, on est gratifié d’un joli plan de l’immeuble et de l’homme accoudé à son balcon ; image courante quand on se balade dans Paris le matin et qu’on prend la peine de lever le nez sur les façades. On revient sur le personnage, de dos, et on partage sa vue de la capitale ; et puis il se retourne, nous fait face, et il fixe la caméra : rien ne va plus.

Ce regard qui nous rappelle brièvement la présence de l’objectif gomme au même moment toute la distance prise par le spectateur, tranquillement installé dans son fauteuil, par rapport au film : c’est une apostrophe, pas une illusion d’optique, notre narrateur nous le confirme, et on se sent soudain impliqué dans l’histoire qu’il se prépare à raconter et dont il n’est pas le héro.

Il y a des histoires d’amour…

L’histoire d’un homme, de son couple, l’histoire d’une histoire à laquelle il ne croit plus avec une femme qu’il aime encore, l’histoire de leur rencontre, de leur rupture, de leurs joies, de leurs disputes, de leurs envies, de leurs prières, de leurs espoirs.

Leur vie, en bref, et une leur relation complexe et ambiguë qui les lie, où l’on ne sait pas bien s’ils s’aiment toujours ou se haïssent. Elle, c’est Anna (Joana Preiss), mannequin et mère du jeune Loup (Lou Rambert-Preiss) ; lui c’est Paul (Romain Duris), profession indéterminée. Quand ils se séparent, sur le coup d’une nouvelle dispute, d’une nouvelle incompréhension, il remonte sur Paris se réfugier dans l’appartement de son père chez lequel il espère pouvoir s’enterrer tranquillement pendant qu’on l’oubli et qu’il s’occupe de sa tristesse en entrant en dépression.

Il y a des histoires d’un jour…

L’histoire d’un garçon (Louis Garrel) qui devait arriver au Beau marché en 30 minutes et qui mit finalement plus de sept heures pour atteindre son but. Histoire d’un étudiant désinvolte, sur de lui, égoïste, qui en une journée couche avec trois filles différentes pour « raccrocher son frère à la vie ».

Une rencontre sur le périf’, ou il va monter sur son scooter avant de monter chez elle (Helena Noquerra), des retrouvailles anecdotiques (Alice Butaud), un baiser dans une vitrine (Annabelle Hettmann). Trois relations basée sur un personnage parfaitement épanouis et pourtant étonnant d’infidélité, relations qui ne sont pas faites pour durer et auxquelles, cependant, on s’attache parfois un peu trop.

Et des histoires de famille…

L’histoire de deux frères, de deux individus différents, ayant rompu le contact pendant de trop longues années ; et qui pourtant se connaissent encore par cœur. L’histoire de deux garçons qui vivent avec Mirko qui « ne connaît pas les larmes » (Guy marchand), papa poule séparé de sa femme (Marie-France Pisier). Deux garçons ayant perdu leur sœur douze ans auparavant ; deux frangins, deux complices, une proximité qui fait plaisir à voir quand on connaît soi-même les joies de l’amour fraternel ; deux plongeons dans la Seine, une nuit de franchise et deux adultes qui ressemblent de plus en plus à l’adolescent qu’on a tous été un jour.

Une famille éclatée, mais qui reste une famille, qui ressemble étrangement à la notre, avec son lot de tabou, de souvenirs, avec ses disputes et ses réconciliation, avec une devise : « Prend la peine d’ignorer la tristesse des tiens. ».

« Dans paris » n’est certainement pas le film à aller voir en ce moment si vous avez des envies d’engagement ou de message politique, catalogué dans les « comédies dramatiques », il tire de ses jolies prises de vue, de son action un peu minimaliste et de sa très jolie bande son un coté un peu « film d’ambiance » qu’il ne faut pas interpréter comme «  vide de sens et/ou de scénario ». L’interprétation des acteurs est très juste, on croit retrouver entre eux les liens d’une vraie famille ; la complicité de vrais frères entre Romaine Duris et Louis Garrel (très drôle dans son rôle) ; les rancunes du vieux couple séparé entre Guy Marchand et Marie-France Pissier ; le lien entre un père et ses fils, plein d’affection, même s’il ne permet pas toujours de se comprendre.

Un film à voir donc, un très bon et très beau moment à passer.

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Commentaires
S
Quelques mots pour dire combien j'ai trouvé cette présentation jolie et efficace, sur une film que j'ai particulièrement bien aimé. tout ce que tu en dis est pour moi juste et fin. Je ne vais pas reprendre ce que j'en dis sur la Volonté, mais pour prolonger ton propos j'évoquerai la question du tabou. <br /> bon je mets quand même le lien comme un gros cochon (je sais pas comment le mettre subtilement)même si ça fait un peu circuit fermé blog-Volonté:<br /> http://www.volonte-d.com/forum/viewtopic.php?p=75696#75696<br /> <br /> Sur le tabou donc. C'est un des éléments les plus réussi du film. Il s'agit d'une révélation qui pourrait avoir une fonction de détonateur, du type "ah c'est pour ça qu'ils sont tous comme ça dans cette famille". Mais loin de se présenter comme excuse ou justification, cet élément ne vaut que par lui-même. C'est avant tout un tabou, un secret de famille. Sa révélation est assez discrète, et ne nous renseigne que sur les difficultés de communication des personnages. Il y a là une certaine justesse dans le traitement d'un motif assez périlleux.<br /> <br /> <br /> Sinon je suis toujours rêveur (je m'interroge quoi) quant à certaines tentatives ou certains discours du film. Je soumets ces points aux commentaires de chacun:<br /> <br /> - l'adresse au spectateur du début m'a franchement énervé au premier aspect, et ce n'est qu'a posteriori que je lui ai trouvé une pertinence. Mais l'aspect cyclique du film, mêlé au flas-back, lui donne je trouve une vraie légitimité, au-delà de l'aspect "procédé"<br /> <br /> - la partie sur le couple, si elle sert de contrepoint avec les aventures de Jonathan, souffre pour moi des travers que je reprochais à Ma Mère. Mais la dimension réduite donnée dans ce film à cette "veine" du réalisateur la rend supportable.<br /> <br /> - le discours sur les vieilles tristesses m'a vraiment questionné. Discours poétique sur la mélancolie? Figure romantique réative à plein? On est à la limite entre naïveté et beauté pour ce propos... J'aurai tendance à faire crédit au film, parce que la scène m'a séduit, même si le discours me laisse perplexe. Cela traduit subtilement une réalité souvent tue: la dépression profonde, incontrôlée, chez les enfants et les ados. Cela associé au thème du secret de famille laisse entendre que Claire la mal nommée devait être dépositaire inconsciente d'une secret qui la dépassait et dont elle souffrait. C'est en ce sens que j'interprête l'histoire des vies antérieures: pas les siennes, mais l'histoire familiale.<br /> <br /> - enfin le titre: comment le comprendre? Avant de proposer quelque chose je serais curieux d'entendre comment toi et d'autres l'avez interprêté.
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